Article de Bernard CARAT paru dans "L'Auto-journal" n° 14/15 du 1er septembre 1974

N° Spécial "Le Salon de l'Auto"



En Laponie, Citroën a pris avec la CX un virage très important pour son avenir. Malgré les dimensions raisonnables de la voiture et sa faible consommation. Il faudra tenter d'imposer sur le marché une cylindrée difficile à vendre depuis la crise de l'énergie. La CX "économique", version de dernière heure porte tous les espoirs des commerçants grâce à une consommation intéressante sur autoroute. Ci-dessous nous avons placé une GS entre deux CX pour montrer les différences et les ressemblances. La GS est même un peu plus haute que le nouveau modèle. Citroën utilise un style propre à exploiter les avantages d'une forme aérodynamique sous un aspect plaisant. La CX reste d'avant-garde.

















Peu à peu, la DS et ses dérivées subissaient le sort inéluctable qui, vingt ans plus tôt, avait frappé la "traction". L'heure du renouveau, au moins partiel sonnait pour les voitures de la gamme haute Citroën. Cette lourde succession est confiée à la CX à un moment particulièrement difficile. En effet, les modèles d'une cylindrée de 2 litres et plus ne sont plus du tout d'actualité en Europe pour des raisons politiques et économiques.

Les initiales CX, bien choisies comme toujours chez Citroën, sont le symbole du coefficient aérodynamique ; elles expriment donc une volonté de continuité dans la recherche d'une carrosserie bien profilée. La nouvelle Citroën est présentée d'emblée en trois versions, celle de base étant la CX 2000. Ceux qui mesurent leur consommation au centilitre se tourneront vers la 2000 "économique" tandis que les amateurs de performances (il en reste beaucoup ) s'intéresseront plutôt à la CX 2200 plus puissante. Nous avons pu prendre successivement le volant des trois voitures sur les routes difficiles mais très peu fréquentées de la Laponie suédoise, au nord du cercle polaire. Dans la journée 600 kilomètres ont été ainsi couverts, ce qui n'est pas trop pour dégager la physionomie générale de la voiture et surtout faire la différence entre les trois modèles.

Les techniciens de Citroën se sont quelque peu assagis au moment de concevoir la CX. En effet, sur de nombreux points ils sont en recul par rapport aux voitures précédentes de la marque : sous la pression des événements la technique est contrainte de rentrer dans le rang. En contrepartie, tous les éléments ou presque ont été éprouvés sur d'autres véhicules, le moteur bien sûr (DS et dérivées), la boîte (GS Birotor - Lancia Bêta), la suspension hydropneumatique (2 000 000 de Citroën), les quatre disques (GS - SM). Il ne devrait donc pas y avoir de surprise pour les premiers clients. Certes, le groupe est monté en travers, incliné vers l'avant avec une boîte à quatre rapports en bout de vilebrequin mais cela n'est plus du tout une originalité ; la présence de ce vieux bloc moteur est une grande déception. Il faut mentionner l'étude d'une carrosserie très rigide, de sécurité, renforcée par un "cadre d'essieux" sorte de faux châssis et par des arceaux de pavillon. Tout cela entraîne un poids en ordre de marche de 1 280 kg, soit autant que la DS pour une voiture plus petite en dimensions hors tout. On trouvera par ailleurs et en détail les autres caractéristiques ainsi que les données chiffrées.

UNE LIGNE EFFICACE

Premier contact visuel, la CX s'apparente à la GS mais elle est mieux dessinée, affinée. Les grands phares non directionnels s'intègrent totalement à la ligne profilée de l'avant; les pare-chocs semblent efficaces; la surface vitrée est très importante; le coffre sous la lunette arrière est accessible grâce à une disposition spéciale des charnières qui augmente la hauteur de la porte de malle. Pourquoi ne pas avoir été plus loin en rendant la lunette elle-même ouvrante ? Le grand capot se soulève contre le vent toujours dans le mauvais sens avec un seul crochet de sécurité alors que la DS dispose de deux. Mais le moteur est beaucoup plus accessible que sur n'importe quelle autre Citroën, il donne une impression de netteté. Après le capot, une autre critique, le réservoir d'essence de 68 litres est en semi porte-à-faux sous le coffre alors que dans la DS il se trouve en sécurité sous la banquette arrière.

A l'intérieur, la position de conduite est vraiment très bonne. Les jambes bien allongées, assis assez bas, le conducteur apprécie les sièges réglables en tous sens. Malheureusement les appuie-tête sont livrés en supplément. La visibilité est tout à fait satisfaisante sans angle mort notable ni vers l'avant, ni sur les côtés, ni vers l'arrière grâce aux glaces de custode et à la grande lunette incurvée. A l'arrière, la place pour la tête et les jambes est suffisante même pour des passagers de grande taille mais l'accessibilité est discutable à cause du faible angle d'ouverture des portières et aussi à cause de la forme du montant arrière, incliné vers l'avant. Là, contrairement à la DS, ce défaut apparaîtra particulièrement lorsque la voiture sera utilisée par des personnes se faisant conduire par un chauffeur. Cet inconvénient existait déjà sur la GS. En résumé, à l'avant de la CX on est nettement mieux que dans la DS avec 5 centimètres de plus de largeur aux épaules, mais à l'arrière, la place est un peu plus mesurée. Le coffre de la CX, bien cubique, n'est relativement pas très généreux : il ne contient que 10 dm3 de plus que celui de la GS.

Cette fois encore le tableau de bord est très original avec le compteur et aussi le compte- tours tournant (style pèse-personne), deux totalisateurs, une montre classique, une jauge, un voltmètre et de très nombreux voyants bien repérés. Autour du volant deux protubérances mettent à portée des mains les commandes nécessaires à la conduite : à gauche : clignotants avertisseur sonore, essuie-glace a deux vitesses avec lave-glace électrique; à droite l'éclairage (phares, codes, appels lumineux). La console centrale supporte le levier de vitesses, un emplacement radio, le cendrier, l'allume-cigares et éventuellement les commandes de lève-glace électrique. Entre les sièges, se trouvent le frein a main et le levier de réglage en hauteur de la suspension.

La grande trouvaille de la CX est son grand essuie-glace unique hérité de la compétition. Il est très efficace sur un pare-brise dont les formes sont étudiées en fonction de ce balai. Une forte averse nous a permis de l'apprécier, même à grande vitesse il ne décolle pas dans les coins.

Mais, prenons la route, d'abord avec la plus rapide, la 2200. Une surprise, le vieux moteur est devenu silencieux même à haut régime où du moins tout a été fait pour filtrer ses résonances. La suspension se révèle très près de celle de la GS Birotor ou même de la SM. Confortable, elle s'amortit fermement sur les inégalités, sans coup de raquette. Les routes déformées par l'hiver et les pistes en terre mettent admirablement en valeur cet ensemble. Comme on pouvait s' attendre la tenue de route est sans problème, la CX évolue en courbe avec la plus grande aisance. De même, les quatre freins à disque et leur puissante assistance font merveilles sans jamais dévier ni se bloquer.

La résistance à l'échauffement paraît au-dessus des normes admises. Le levier de vitesses est bien en main et la synchronisation est effective bien que les changements ne doivent pas être trop rapides. Sur cette version, les rapports sont bien échelonnés bien que le moteur laisse apparaître un certain manque de puissance à bas régime. Au compteur, la troisième peut être montée à près de 140 km/h, ce qui est intéressant. La direction est assistée avec retour asservi en fonction de la vitesse. Le petit volant est très direct (deux tours et demi d'une butée à l'autre) et extrêmement précis. Cette direction est en option sur toutes les versions. Nous sommes seuls sur la route, sans contrôle, mais il faut compter avec les réactions imprévisibles des rennes en liberté, ce qui incite à la prudence. La consommation ne dépasse pas 10,8 litres en roulant autour de 100 km/h de moyenne sur plus de 200 km.

DE PLUS EN PLUS SOBRE

En descendant la gamme, nous prenons CX 2000 qui sera sans doute la plus répandue. Le confort, la tenue de route et le freinage sont les mêmes bien que les pneus ZX montés en série soient loin de valoir les nouveaux XVS de la 2200. Le moteur est moins puissant, 102 ch au lieu de 112, cela est sensible surtout en accélération et en côte. Ici, le volant est plus grand et la direction n'est pas assistée, ce qui ne se sent guère sauf par la démultiplication beaucoup plus grande puisqu'il faut quatre tours et demi d'une butée a l'autre. La conduite reste suffisamment précise. Dans les mêmes conditions et à la même moyenne la consommation s'abaisse jusqu'à 10,2 litres, soit une valeur vraiment très raisonnable. La 2000 est donnée pour 174 km/h soit 5 km de moins que la 2200. Enfin, nous prenons place au volant de la 2000 "économique" dont le pont et surtout le rapport de quatrième sont allongés : 36,2 km/h par mille tours en quatrième au lieu de 31 km/h pour la 2000 et 32 km/N pour la 2200. Là, le manque de souplesse en quatrième est criant et il y a un trou béant entre la troisième et la quatrième. Cette version ne peut vraiment satisfaire que ceux qui roulent le plus souvent sur autoroute car même en n'allant pas vite sur route normale, il faut trop fréquemment rétrograder en troisième. A un peu moins de 100 km/h de moyenne la consommation est encore réduite d'un litre et nous réussissons 9, 1 litres. La vitesse de pointe ne dépasse pas 167 km/h. Cette voiture est une idée intéressante mais elle exige une conduite très spéciale.

La CX apporte sa taille raisonnable et de très grande qualité routière mais elle déçoit par son vieux moteur.